Trinité venue d’en-haut

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Homélie prononcée le 7 juin 2020

Frères et Sœurs,

vous le savez, au soir du jeudi saint, juste avant sa mort, Jésus prie pour l’unité de ses disciples, en disant à son Père : « que tous soient UN comme toi et moi, Père, nous sommes un » (Jn 17,21). Les disciples du Christ baptisés en son nom, sont unis entre eux comme le Père et le Fils eux-mêmes sont unis de toute éternité en Dieu, avant toute chose, et au-delà de toute chose de notre monde et de notre univers. Autrement dit, l’unité que la foi chrétienne apporte aux hommes est l’unité-même de Dieu.

Et ce matin, en célébrant le mystère de la Trinité, nous redisons que cette unité de Dieu est l’unité des trois personnes divines, le Père, le Fils et l’Esprit-Saint. Avec l’islam et le judaïsme, nous confessons qu’il n’y a qu’un seul Dieu vivant et vrai, transcendant et inimaginable, et que les autres puissances que les hommes adorent ne sont pas Dieu parce qu’elles ne conduisent pas à la vie éternelle, et qu’elles ne sont que des idoles passagères forgées par les désirs humains. Avec le judaïsme, nous confessons que le Dieu unique et véritable est UN – Adonaï Hèkhad – c’est-à-dire qu’il n’y a en lui aucune division, aucune scission, aucune ombre. Saint Jean le dit : « Dieu est lumière » (1Jn 1,5). Mais avec Jésus de Nazareth qui ose dire, dans saint Jean, « moi et le Père nous sommes UN » (Jn 10,38), nous croyons que Dieu est communion d’amour du Père et du Fils, et que cette communion elle-même, cet amour-même, est encore Dieu. Et c’est l’Esprit-Saint du Père et du Fils. Saint Jean le dit : « Dieu est amour » (1Jn 4,8).

Il y a Trinité à partir du moment où, sur la terre, Jésus dit : « je ne fais qu’un avec le Père », c’est-à-dire avec Dieu qui est au ciel, et où l’Esprit d’amour qui unit le Fils et le Père, le Père et le Fils, ne fait qu’un avec chacun des deux.

Frères et Sœurs, dire que Dieu est Trinité, qu’il est communion d’amour entre des personnes distinctes, et que nous, dans notre humanité, nous sommes à l’image et à la ressemblance de ce Dieu-là, c’est dire que notre unité la plus profonde entre nous, notre unité humaine, sociale, culturelle, et, plus profondément, notre unité spirituelle, est une unité qui vient de Dieu et qui contient, par principe, la distinction entre les personnes humaines, leurs différences et leurs diversités. L’unité chrétienne est l’unité de la Trinité entre plusieurs personnes distinctes l’une de l’autre. L’unité catholique est l’unité universelle de toutes les langues et nations différentes les unes des autres dans le même Christ et Seigneur qui ne fait qu’un avec Dieu le Père dans l’Esprit-Saint d’amour et de communion.

Et, lorsque par la diffusion de l’Évangile, cette unité chrétienne se répand dans les cœurs d’hommes et de femmes d’un même pays et d’un même continent, cette unité crée entre ces hommes et ces femmes un lien unique et multiforme qui les rassemble et qui les aide à surmonter leurs divisions. Quand le pape François rappelle au parlement européen de Strasbourg, en 2014, que la devise de l’Europe est « l’Unité dans la diversité », il rappelle que l’unité de l’Europe est l’unité des nations diverses à l’image d’une famille où chaque membre a son histoire et ses traditions particulières. Mais, ce faisant, le pape voit bien que dans cette famille européenne – comme d’ailleurs dans toute famille – pour résister à la globalisation qui pousse à uniformiser, la diversité familiale doit avoir une racine religieuse transcendante qui garantit l’identité de chacun des membres et de l’Europe elle-même.

Lorsqu’on parle des racines chrétiennes de l’Europe, on ne se contente pas d’évoquer un passé dépassé. On rappelle que l’unité même qui a construit notre continent, et en lui notre France, est une unité chrétienne transcendante qui s’enracine dans la Trinité, dans le Dieu trois fois saint, au-delà de toutes les divisions, des schismes et des guerres, et au-delà des dictatures et des totalitarismes. Si nous cherchons un enjeu ou, comme certains disent, aujourd’hui, une « valeur » de la foi en la Trinité, nous en avons un bel exemple dans la contribution du christianisme à l’unité européenne.

Mais alors, il faut rappeler qu’en parlant ainsi nous ne sommes pas dans une idéologie même religieuse que des penseurs en recherche d’unité auraient produite ou forgée au cours des siècles pour favoriser le développement des empires ou la prospérité des économies. L’unité chrétienne n’est pas une invention humaine. La Trinité chrétienne n’est pas la projection en Dieu du désir d’unité que nous portons en nous. Car, Frères et Sœurs, la Trinité elle-même en son unité, cette unité indivisible du Dieu trois fois saint des chrétiens, cette unité trinitaire est un scandale pour l’entendement humain. Cette unité des trois personnes en un seul Dieu est une folie pour l’idée qu’on se fait de Dieu quand on est un penseur, un philosophe ou un esprit religieux habitué à se faire une très haute idée de la divinité, de la vérité du monde et de la bonté supérieure des choses, etc.

Saint Paul le dit très clairement quand il écrit aux corinthiens : la croix de Jésus est « scandale pour les juifs et folie pour les païens » (1Co 1,23). Or, la croix de Jésus est justement le moment où la Trinité se révèle au plus haut point, lorsque le Fils meurt en remettant son Esprit au Père : « Père entre tes mains je remets mon Esprit » (Lc 23,46). La croix est le moment suprême où Jésus avec son propre corps crucifié dessine pour toujours le signe que nous faisons nous-mêmes sur nos propres corps, en disant la Trinité, au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit.

Si nous réalisons un instant le sens de notre geste si machinal, si nous réalisons un jour que notre signe de croix conjugue le plus sublime et le plus horrible, c’est-à-dire conjugue cette ouverture sublime du cœur de Dieu fait de communion éternelle des personnes, et cette ouverture horrible du cœur de l’homme transpercé par un fer de lance, alors nous comprendrons que le mystère de la Trinité a quelque chose de crucifiant pour l’esprit humain, et pour l’idée très haute que l’esprit humain se fait de la splendeur divine. Jamais les hommes n’auraient eu l’idée folle et scandaleuse de mettre le plus beau de leur conception de Dieu dans le plus laid de la défiguration humaine. Il y a là un choc frontal qui n’est pas qu’affectif et moral. Il y a là un choc intellectuel et spirituel qui ne passe pas auprès des autres monothéismes du judaïsme et de l’islam. Quand on veut tailler le diamant d’une vie divine resplendissant d’amour et de communion éternelle, on ne le met pas dans l’horreur et dans la boue d’un corps humain broyé par la violence et par la haine.

Le christianisme en son mystère central ne vient pas des hommes, Frères et Sœurs. Il vient d’en-haut. La Trinité n’est pas fabriquée par nos instincts religieux ou nos rêves d’unité, de concorde et de paix. Non, Frères et Sœurs. La Trinité vient d’en-haut. Elle descend du ciel, dans le Fils incarné qui, comme l’a dit l’évangile que nous venons d’entendre, n’est pas venu pour nous juger ou nous condamner mais pour nous sauver, c’est-à-dire pour tourner vers Dieu et pour purifier nos instincts et nos rêves.

Dans les lectures de ce jour, il est question de Dieu amour, communion et salut. Que ce Dieu d’amour en trois personnes, présent dans nos cœurs par notre baptême, vienne transfigurer, bénir et sauver tous nos désirs d’unité.
Le Dieu trois fois saint est en nous, et il nous redit son mystère : c’est par la croix du Fils que la joie éternelle est entrée dans le monde, c’est par les épreuves de nos divisions supportées dans l’amour du Fils que nous construirons l’avenir de notre humanité. Rendons grâce pour le trésor que Dieu nous donne en nous révélant son propre cœur, l’intimité de son être divin. Qu’il fasse de nous des témoins de son amour, et des artisans de son unité. Amen.

Père Patrick Faure

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