Le premier scrutin

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Homélie prononcée le 4 mars 2024

Aujourd’hui 3ème dimanche de carême, nous continuons notre chemin vers Pâques. Il y a 15 jours, par l’appel décisif le 1er dimanche de Carême, Arim, Carmelo et Guillaume, comme tous les catéchumènes, sont entrés dans la dernière « ligne droite » de leur préparation au baptême. Dans cette ligne droite, dans cette phase de purification, il y a les scrutins. Ces scrutins ont pour but d’éveiller le désir d’être purifiés et d’être sauvés par le Christ lui qui est l’eau vive, la lumière et la résurrection et la vie.
Les textes de la Samaritaine, de l’aveugle-né, de la résurrection de Lazare, tirés de l’évangile de Jean servent depuis les débuts de l’Église à la formation des futurs baptisés de Pâques. Aussi, c’est l’Evangile de la Samaritaine que nous venons d’entendre proclamer. Son message aide les catéchumènes (et nous tous) à scruter notre vie. Il caractérise ce 1er scrutin.
Et donc, ce dimanche, bien naturellement, les textes nous parlent d’eau. La première lecture nous rapporte un événement qui a beaucoup marqué l’histoire des hébreux. Ils venaient de quitter une terre d’esclavage en Égypte pour se rendre vers la Terre promise. Mais pour y parvenir, il faut traverser le désert. Cela n’est possible qu’en allant d’un point d’eau à un autre. Mais à l’étape de Réphidim, il n’y a plus d’eau. Alors que faire ? Le texte nous dit que les hébreux ont récriminé contre Moïse : « Pourquoi nous as-tu fait monter d’Égypte ? Était-ce pour nous faire mourir de soif avec nos fils et nos troupeaux ? » Autrement dit : c’est bien beau de nous avoir fait sortir d’Égypte pour conquérir notre liberté ; mais si c’est pour mourir dans le désert, à quoi bon ? Il vaut mieux être esclaves et vivants que libres et morts, pensent-ils.
À travers Moïse, c’est contre Dieu que les Hébreux se révoltent ; ils le mettent au défi d’accomplir sa promesse. Et le Seigneur ne cessera pas de nourrir et d’abreuver son peuple rebelle : il lui donnera l’eau et la nourriture dont il a besoin pour reprendre des forces. Grâce à cela, le peuple pourra marcher jusqu’au Sinaï pour recevoir une autre nourriture, la Parole de Dieu.
Ce texte nous rejoint dans ce que nous vivons : nous voyons bien que notre vie est souvent difficile, une vraie traversée du désert. Quand tout va mal, nous nous révoltons contre Dieu. Malgré cette révolte, Dieu nous fait comprendre qu’il n’a jamais cessé de nous aimer. Ce temps du Carême nous est donné pour puiser à la source de l’amour. Aujourd’hui comme autrefois, cette source est là, disponible, une source qui ne tarit pas.
Dans la seconde lecture, Saint Paul insiste sur la force de cet amour de Dieu pour nous : nous pouvons toujours compter sur lui, même dans les pires moments de notre vie. Cette certitude ne s’appuie pas sur des mots mais sur l’agir de Dieu.
Venons-en à l’Évangile, Jésus a fait un long chemin pour regagner la Galilée en venant de la vallée du Jourdain…Il passe par la Samarie. Il fait chaud en plein milieu de la journée et Jésus est fatigué. Et il s’arrête près d’un puits, le puits de Jacob. Dans la Bible le puits appelle la rencontre…Et c’est à ce puits de Jacob qu’Abraham a envoyé son serviteur Eliézér dans l’espoir de trouver une épouse à son fils Isaac…Et à peine le vieux serviteur a-t-il imploré Dieu, que Rébecca arrive. Il faut relire ce passage de la Genèse (Gn24) tout à fait magnifique…Il y a un puits également dans l’histoire de Jacob et Rachel. Le puits, c’est le lieu de l’Alliance.
Oui mais dans ces pays du Moyen-Orient, ce n’est pas à la mi-journée que l’on va au puits…La mi-journée, un moment où tout est assoupi tellement il fait chaud…et pourtant, voilà qu’une femme du pays arrive. Que vient-elle faire, elle qui n’a même pas un prénom ? Sa vie n’a pas été un long fleuve tranquille et elle ne veut pas avoir le regard des autres porté sur elle…Or, surprise, il y a là un homme seul lui aussi…. On pourrait se dire que l’opération séduction pourrait commencer…pourtant ce n’est pas ce qui va se passer…
Jésus mendie un peu d’eau…il ne montre aucune suffisance, au contraire il met à nu sa vulnérabilité. Il est dans la vérité d’un être humain qui a soif…Mais cette demande toute simple débouche sur une conversation sur un autre registre. Au-delà de la corvée d’eau que la samaritaine rêve de ne plus avoir à accomplir, Jésus lui fait prendre conscience d’un autre besoin. La Samaritaine est conduite sur un chemin de vérité par rapport à sa vie affective…et elle devient prête à recevoir la bonne nouvelle de l’eau vive, de l’eau qui devient source jaillissante pour la vie éternelle, mais aussi source pour ses compatriotes : Ils vont avoir envie de remonter à la source première et ils vont reconnaître en Jésus le Sauveur du monde.
Mystère de cette rencontre où l’homme a besoin de Dieu et Dieu a besoin de l’homme… La femme se désaltère des paroles de Jésus et Jésus se désaltère grâce à la samaritaine. Lequel a le plus besoin de la soif de l’autre ? Mystère de cette rencontre où Jésus s’affirme comme Christ, le Messie attendu. Cet homme assoiffé et fatigué est le Christ, le Sauveur du monde. Et le Christ a soif de notre réponse, lui qui est venu dans le monde pour venir nous rejoindre. Comment répondons-nous à cette soif du Christ ? Arim, Carmelo et Guillaume et nous tous ici rassemblés aujourd’hui venons-nous à la source d’eau vive ? Venons-nous au Christ ? confiant que c’est lui qui nous rassasiera et qui nous comblera ? Avons-nous soif de la Parole de Dieu ? Est-elle pour nous aussi indispensable que l’eau qui fait vivre notre corps ? Est-elle toujours à portée de main comme le pot à eau en plein été ? Est-elle de l’ordre de l’essentiel pour vivre notre vie en disciples du Christ ?
Ressentons-nous un manque si nous ne puisons pas l’eau de la Parole de Dieu ? Ressentons-nous aussi un manque si nous ne nous nourrissons pas de l’Eucharistie ?
Les deux, Parole de Dieu et Eucharistie, sont essentiels à notre vie spirituelle. Ils nous ouvrent l’accès au salut, le monde de la grâce comme le dit l’apôtre Paul dans la lettre aux chrétiens de Rome. Mais si le salut nous est donné, encore faut-il que nous acceptions de le recevoir et de l’accueillir. Arim, Carmelo et Guillaume et nous tous rassemblés nous sommes invités à approfondir notre désir de salut et à scruter ce qui en nous s’y oppose. C’est bien ce travail de conversion auquel nous sommes invités pendant notre randonnée de 40 jours, notre randonnée de carême. Alors bon courage pour poursuivre cette randonnée, même si elle nous décape un peu ! Nous tous ici rassemblés, accompagnons nos catéchumènes dans leur sprint final !