Le dimanche de la Miséricorde

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Homélie prononcée le 7 avril 2024

Ce deuxième dimanche de Pâque est pour l’Église celui de la divine miséricorde. Cette fête a été mise en place par le pape Jean Paul II en l’an 2000 à l’occasion de la canonisation de Sœur Faustine Kowalska, une religieuse polonaise qui a vécu dans le diocèse de Cracovie dont il avait été évêque avant de devenir pape. Elle est célébrée tous les ans ce 2ème dimanche de Pâques. La dévotion au Christ miséricordieux est associée à une image qui est reproduite au peu partout où on voit les rayons de la miséricorde sortir en faisceau du coeur de Jésus. Ce thème de la miséricorde est bien présent dans les lectures bibliques de ce jour.
Le texte du livre des Actes des Apôtres nous dit que les premiers chrétiens vivaient “d’un seul cœur” et “d’une seule âme”. Dans cette communauté, tout se partage…et dans l’enthousiasme la description de ce qui se passe est peut-être un peu idéalisée. Mais ce qui est sûr, c’est que les apôtres sont devenus de vrais témoins de la résurrection. Si les choses sont ainsi, ce n’est pas à cause de leurs mérites, mais parce qu’au départ, le Seigneur ressuscité leur a fait miséricorde, qu’il a porté sur eux son regard qui les a relevé, eux qui l’avaient abandonnés au moment de son arrestation.
Le psaume 117 nous a invité à rendre grâce au Seigneur pour cette miséricorde : “Rendrez grâce au Seigneur, il est bon ! Éternel est son amour.” Si Dieu s’est manifesté comme libérateur et sauveur, c’est parce qu’il nous aime. Il nous a tant aimés qu’il nous a donné son Fils unique. Il veut nous conduire à la vie en Dieu. C’est cette miséricorde du Seigneur que nous fêtons en ce temps de Pâques.
La lettre de Saint Jean nous parle aussi de la miséricorde du Seigneur : le Christ nous a libérés de nos péchés ; il nous a fait entrer dans une vie nouvelle, la vie de Dieu. Nous sommes invités à donner notre foi au Christ ressuscité, vainqueur du monde par sa mort et sa résurrection. Dans ce combat de tous les jours contre les forces du mal, le Seigneur ne nous abandonne pas. Notre foi bien hésitante est portée, enveloppée dans la miséricorde du regard de Jésus. C’est à cela que nous pouvons nous raccrocher chaque jour.
Avec l’évangile, nous sommes plus que jamais dans la miséricorde de Jésus. Rappelons-nous quelques jours plus tôt, Judas l’a trahi ; Pierre l’a renié. Tous l’ont abandonné. Et maintenant, ils se cachent, ils s’enferment. Ils ont peur d’être recherchés par ceux qui ont condamné leur Maître. Or voilà que Jésus ressuscité les rejoint. Il aurait pu leur faire des reproches. Mais ce n’est pas ce qui se produit lors des 2 rencontres que nous rapporte St Jean.
La première a lieu le soir de Pâques. Saint Jean insiste pour montrer que celui que les disciples voient n’est pas un fantôme ou le héros d’une BD. Il est le même que celui qu’ils ont connu, mais plus limité par les barrières humaines : « alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint ». Et saint Jean précise que Jésus Ressuscité est là au milieu d’eux. C’est réellement lui, pas de doute possible, malgré la surprise de cette présence. Il leur montre ses mains et son côté marqués par les coups de la Passion. C’est bien le Jésus qu’ils ont connu et aimé. Ils le voient réellement, lui qui a été crucifié.
Et puis saint Jean raconte que Jésus Ressuscité impose les mains aux disciples en leur disant : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie ». Et il ajoute en soufflant sur eux : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus ». Des paroles essentielles qu’on a retenu de la prédication de Jésus qui est venu pour sauver ce qui était perdu (cf. Luc 19, 10) et pour remettre dans l’Amour de Dieu ceux et celles qui le reconnaissent comme leur Sauveur. C’est la démarche du sacrement de réconciliation avec le Seigneur.
Cette reconnaissance de Jésus comme Sauveur qui réconcilie l’humanité avec le Père par sa Mort et sa Résurrection est bien mise en valeur dans la deuxième rencontre qui, huit jours plus tard, s’inscrit dans la suite de celle du soir de Pâques. Elle illustre la vérité d’une présence à travers la rencontre de Thomas qui n’était pas présent le soir de Pâques. Thomas, se montre un peu provocant en disant « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ». Et le Ressuscité entend cette provocation, et il y répond en disant à Thomas « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » Jésus touche Thomas à la racine de sa non-foi et fait appel à sa liberté. Thomas est regardé avec amour par celui qui est bien toujours vivant, dont la présence est bien effective. Alors peut jaillir librement le cri de reconnaissance, la foi : « Mon Seigneur et mon Dieu ».
Tout est dit. Il n’y a rien à ajouter. Ce Jésus qui est là avec Thomas est bien le Sauveur attendu par Israël. Il a vécu l’humiliation du Serviteur souffrant durant la Passion. Maintenant il est ressuscité et exalté par son Père qui le fait Seigneur et des morts et de vivants.
Nous aussi, nous nous reconnaissons dans ce disciple qui cherche des preuves. Mais le Seigneur nous redit les mêmes paroles : “Heureux ceux qui croient sans avoir vu.” Il faut se dessaisir de soi-même pour s’ouvrir à la bienveillance de Dieu.
Avant de clore, je voudrais souligner un point. Saint Jean nous dit que c’était après la mort de Jésus, le soir du “premier jour de la semaine”, le jour après le sabbat ; C’est ce jour qui porte maintenant le nom de dimanche. Thomas n’était pas présent ce soir-là. Pour lui ce sera huit jours plus tard, c’est-à-dire le dimanche suivant. Et de dimanche en dimanche depuis 2000 ans, chaque dimanche, Jésus rejoint les communautés rassemblées en son nom. Il vient pour nous recréer, nous renouveler. Sa résurrection vient changer le regard que nous portons sur notre vie et celle des autres. Avec Jésus ressuscité, nous apprenons ensemble avec les nouveaux baptisés, les néophytes, à faire miséricorde.
En ce dimanche, nous te prions, Seigneur : rends-nous plus disponibles à la force de la foi. Sois avec nous pour que nous soyons plus courageux dans le témoignage. Gardes-nous plus généreux dans la pratique de la charité fraternelle. “Toi qui es Lumière, toi qui es l’amour, mets en nos ténèbres ton Esprit d’amour”. Amen