Le Bon Pasteur et ses prêtres

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Homélie prononcée le 25 avril 2021

Frères et Sœurs,

Traditionnellement, le quatrième dimanche de Pâques est appelé le « dimanche du Bon Pasteur » parce que, dans l’évangile que nous venons d’entendre, le Christ Jésus dit : « je suis le Bon Pasteur ». Il parle de ses brebis auxquelles il donne la vie éternelle, pour parler des chrétiens auxquels il donne la Résurrection. Et, toujours traditionnellement, ce dimanche est consacré aux vocations sacerdotales, c’est-à-dire aux hommes, en général jeunes, que Dieu appelle à être prêtres, c’est-à-dire à être les ministres ou les représentants du Christ, à être des bons pasteurs à son image qui conduiront les croyants dans la lumière du Christ et dans sa paix, dans son amour et dans sa vie.

Or, il faut bien reconnaître qu’avec l’actualité récente de l’Église, prêcher pour les vocations et les futurs prêtres a des allures de mission impossible. Comment dire du bien des prêtres et de l’Église catholique, alors que des prêtres ont fait tant de mal à des enfants ou des êtres fragiles, et que leur hiérarchie n’a ni mesuré la gravité des faits, ni réagi à temps pour empêcher les crimes ?

Certes, sous l’effet des révélations en cascades, des réformes douloureuses mais nécessaires se mettent en place progressivement. Et la législation interne de l’Église contre les abus sexuels ou autres évolue résolument sous l’impulsion du pape et des conférences épiscopales. Mais, en attendant, l’image du prêtre est fréquemment salie, et la communauté catholique est taxée, ici ou là, de « société fermée », propice aux dérèglements. On pourrait donc aisément comprendre que des jeunes garçons refusent de donner leur vie au Christ pour devenir prêtres et servir l’Église, en plus des autres raisons que leur donne déjà la société dans laquelle nous vivons.

Et pourtant, Frères et Sœurs, quand on a dit tout cela, on n’a pas tout dit. Les prêtres qui n’ont rien à se reprocher en matière d’abus ou de harcèlement sont la majorité silencieuse. Et les communautés qu’ils desservent ne sont pas des milieux fermés ou à risque du simple fait qu’elles peuvent avoir une certaine homogénéité sociale ou territoriale ou liturgique.

Tous ces prêtres, et avec eux les fidèles qui les entourent, sont renvoyés à leur vie intime et privée par les comportements révoltants d’autres prêtres ou évêques ou prélats. Mais ces prêtres, de très loin les plus nombreux, honorent leur ministère et montrent aujourd’hui qu’à l’image du Bon Pasteur ils ne sont pas des mercenaires.

Concrètement, cela veut dire que ces prêtres n’ont pas quitté leur ministère parce que certains de leurs confrères se sont révélés de dangereux prédateurs. Non, ces prêtres meurtris ou choqués sont restés avec leurs brebis elles aussi meurtries ou choquées. Les communautés ont supporté la tempête et la supportent encore parce qu’elles restent attachées au Christ plus qu’à leur image, et parce qu’au fond, avec les prêtres qui les conduisent et grâce à eux, ces communautés prennent davantage au sérieux la conversion personnelle et la charité fraternelle. Du mal, il sort déjà un bien.

Et la beauté spirituelle du prêtre, c’est d’être le berger, le gardien du cœur croyant de chacun et chacune d’entre nous, cœur croyant et sacré de la relation à Dieu que lui, le prêtre, alimente par la prédication et par les sacrements, et par la vie sociale de la communauté dont il est chargé.
S’agissant de cette vie sociale et des personnes qui l’entourent, le prêtre appartient au Seigneur Jésus et à personne d’autre. Lorsque cette appartenance exclusive est bien en place, la solitude affective du prêtre est bien vécue et bien féconde, et elle peut devenir une multitude affective ouverte à tous les cœurs de manière équilibrée. Le célibat du prêtre est alors très heureux, et au lieu d’être subi comme un manque de relations privilégiées, il est vécu, au contraire, comme une abondance de relations où il se fait « tout à tous », comme le dit saint Paul (1Co 9,22), ce grand apôtre pour qui le Christ était toute sa vie (Ph 1,21). Le prêtre est ainsi un homme par qui le Christ rapproche les croyants les uns des autres, un homme par qui le Christ construit la communauté humaine.

Or, nous vivons dans un monde très individualiste où l’athéisme tranquille des uns côtoie la spiritualité multiforme des autres. Et les catholiques eux-mêmes, en subissant ces influences, perdent bien souvent de vue la communion de foi et d’espérance qu’ils ont entre eux par leur baptême et leur confirmation, avec tout ce que cette communion a d’extraordinaire pour créer des liens d’affection, de soutien et de solidarité, bref pour tisser la fraternité dont notre société rêve et a tellement besoin. Or, c’est justement la mission du prêtre de réveiller la flamme qui dort sous la cendre, et de faire que les croyants redécouvrent la puissance de joie et de communion spirituelle qu’ils ont entre eux par leur attachement au Christ et à l’Église.

Mais vous l’avez compris Frères et Sœurs, cette mission est d’autant plus efficace que le prêtre est plus totalement donné à son ministère dans sa communauté au sein de son diocèse. Bien entendu, le prêtre n’a pas le monopole du don de soi et du dévouement jusqu’au sacrifice de soi. Les parents donnent leur vie pour leurs enfants, pour qu’ils ne manquent de rien et soient bien éduqués. Ce sacrifice de soi pour que d’autres vivent existe aussi entre frères, entre amis, dans de nombreuses professions, chez le pompier qui risque sa vie pour tirer quelqu’un des flammes ou d’un immeuble en ruine, chez les médecins, les infirmières, le personnel soignant, les travailleurs humanitaires, chez les professeurs et les éducateurs qui se dévouent pour instruire leurs élèves et les sortir de l’ignorance, et même chez un grand nombre de ceux qui se dévouent à la vie publique de leur pays. Toutes ces vies sont portées par un immense amour humain qui prend une grande énergie, et qui ne demande qu’à devenir plus fort et à durer toujours. Mais ne dit-on pas justement que toutes ces vies données sont quelquefois vécues comme un vrai sacerdoce ?... en faisant ainsi un lien avec la vie du prêtre.

Pourquoi donc ce lien avec le prêtre ? Parce que le prêtre est le représentant du Christ qui lui aussi se donne jusqu’au bout sur la Croix, mais qui entre pleinement dans l’éternité par sa Résurrection. Le prêtre est le représentant du Christ dont l’amour désintéressé, pur et sans ombre, porte en lui la victoire sur la mort, et libère l’humanité de ses dérives, de ses égoïsmes et de ses désespérances. Et par le ministère du prêtre, c’est le Christ ressuscité lui-même qui vient confirmer, soutenir, éclairer ces hommes et ces femmes de cœur entièrement dévoués qui sentent ou qui savent que l’amour vraiment décentré de lui-même et donné au service de l’humanité porte en lui quelque chose d’immortel qui ouvre le ciel, et qui rapproche de Dieu.

En ce dimanche du Bon Pasteur, prions particulièrement pour que les jeunes hommes que Dieu appelle au sacerdoce, à représenter le Christ, puissent répondre à cet appel, en ne se laissant pas étouffer par la pression sociale ou par la pression familiale quand elle est contraire, ni par le sentiment d’indignité ou la peur de l’inconnu, mais en se laissant guider par la joie qui peut rayonner dans la célébration de l’Eucharistie ou dans le pardon des péchés, dans le service des jeunes et des moins jeunes, des pauvres et des riches, des malades et des bien portants, bref, dans tout ce qui fait la beauté de l’Église.

Les atteintes portées à l’image du prêtre en général auprès du grand public ne découragent pas les bons pasteurs, mais au contraire les renforcent dans le désir d’être de vrais bergers, non pas des mercenaires. Et, parallèlement, du côté des fidèles eux-mêmes, les scandales causés par des prêtres et des responsables de communautés n’ont pas non plus découragé les adultes qui se préparent au baptême. Dans plusieurs diocèses, les catéchumènes ont même augmenté en nombre parce qu’ils ont un vrai désir d’appartenir au Christ. Il y a certainement là un réflexe de santé spirituelle qui vient tout droit de l’amour du Seigneur Jésus ressuscité des morts.

Alors, Frères et Sœurs, demandons à Dieu « beaucoup de saints prêtres » qui honorent leur ministère et qui donnent le Christ au monde. Mais, ce faisant, demandons surtout à Dieu des prêtres qui sachent, en bons pasteurs, entendre nos aspirations à les guider courageusement sur les chemins de Dieu, pour que nous grandissions dans la vraie charité fraternelle qui nous rassemble et qui nous sauve. Amen.

Père Patrick Faure

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