La joie spirituelle

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Homélie prononcée le 23 janvier 2022

Frères et Sœurs,

La première lecture de ce dimanche nous renvoie de nouveau à cette période-clé que nous commençons à bien connaître dans l’histoire sainte 500 ans avant Jésus : l’exil des juifs à Babylone pendant 50 ans, et, ce matin, leur retour à Jérusalem avec le chantier de restauration auquel ils ont dû s’atteler. Tout était à reconstruire : le Temple et les murs de la ville, et surtout la communauté qui avait subi pendant 50 ans la férule idéologique de l’empire babylonien auquel venait de succéder l’empire perse qui, tout d’un coup, accordait à ses ressortissants ce que nous appellerions aujourd’hui « la liberté religieuse », donc très en avance par rapport à son temps.

Chaque peuple asservi et déporté par les babyloniens était autorisé à retourner chez lui, et à retrouver ses coutumes et le culte de son dieu. Cette grâce du ciel a fait considérer le nouveau souverain perse, le roi Cyrus, comme un véritable messie pour Israël. Et la nouvelle administration impériale a mandaté le scribe Esdras et le gouverneur Néhémie pour qu’ils dirigent les opérations de rétablissement, malgré la forte opposition des samaritains et des autres peuples locaux qui avaient profité du départ des exilés pour prendre leur place, et pour acquérir des droits politiques en Judée (Esd 3,3, note BJ).

Le livre de Néhémie nous a rapporté qu’en entendant à nouveau la Parole de Dieu retentir à Jérusalem, les juifs rapatriés pleuraient d’émotion et de douleur, comme lorsque le sang revient dans un membre gelé, parce qu’ils retrouvaient leurs racines saintes qu’ils avaient presque oubliées, parce qu’ils mesuraient l’ampleur du désastre qui les avait frappés, parce qu’ils étaient au pied de tout ce qu’il fallait reconquérir et relever. Mais la foi et la confiance d’Esdras leur ont montré que leur véritable force de reconstruction venait d’en-haut : « la joie du Seigneur est votre rempart ».

Et nous, Frères et Sœurs, qui sommes dans le Christ Jésus, le Messie d’Israël, en qui toute l’Écriture et l’Histoire Sainte sont récapitulées, nous devons comprendre – pour paraphraser l’évangile que nous venons d’entendre – que cette parole d’Esdras, elle s’accomplit aussi pour nous aujourd’hui. Oui, la joie du Seigneur est notre rempart.

Dans une société où l’anxiété grandit à cause des crises écologiques et sanitaires, et à cause des failles que ces crises révèlent dans un monde qu’on croyait solide, beaucoup de nos contemporains sont moroses, et voient leur confiance en l’avenir peu à peu s’effondrer. Heureusement, plusieurs d’entre eux commencent à comprendre et à dire que la reconstruction ou la régénération dont notre monde a besoin, face à la domination de l’économie et de la technologie, est une régénération spirituelle qui remet l’humain et son environnement naturel au cœur des préoccupations et des projets. Or, cette « joie du Seigneur qui est notre rempart », est justement une joie spirituelle. Et cette joie spirituelle est une force qui nous vient du Christ, lequel nous dit dans saint Jean : « votre joie, nul ne vous l’enlèvera » (Jn 16,22).

Frères et Sœurs, il y a des grâces qui descendent du ciel, des grâces qui nous rassemblent et qui nous réconfortent, alors même que nous sommes traversés, nous aussi, par toutes les oppositions fortes, les angoisses et les doutes qui habitent notre monde.
Et, ne pensons pas que cette joie spirituelle est une simple émotion religieuse, un sentiment affectif et enthousiaste qui serait un rien volontariste, et insensible aux drames qui nous entourent. Non. C’est tout le contraire. Cette joie de Dieu, elle n’est pas la gaité des personnes qui n’ont aucun problème. Cette joie de l’esprit, elle est une puissance d’affirmation de nous-mêmes au milieu des épreuves et des pleurs, parce qu’elle est tout entière dans l’attachement à Dieu, à la prière et à la charité, y compris et surtout au moment où nous souffrons, et où nous ne voyons plus où va notre vie. Cette joie, elle vient de l’amour, l’amour que Dieu a pour nous et que nous avons pour lui.

Et maintenant, l’évangile que nous venons d’entendre nous permet de faire un pas de plus. Saint Luc nous montre que cette joie est solide, qu’elle est, en quelque sorte, armée. Car la joie spirituelle, est faite de réflexion, de travail, et même d’enquête minutieuse et laborieuse, notamment quand il s’agit de se lancer dans cet autre vaste chantier de reconstruction qu’est la mise par écrit de la vie de Jésus à partir des témoignages oculaires, ce qu’on appelle un évangile. Et c’est là toute l’énergie patiente et acharnée de saint Luc dans son œuvre immense du troisième évangile et des Actes des Apôtres. Mais c’est à cause de ce travail que l’évangile est fiable, et que notre joie est grande, parce que nous comprenons alors que l’Évangile n’est pas une légende ni une poésie pieuse au sujet d’un homme nommé Jésus. Non. La vérité de l’Évangile est une vérité historique. Et c’est même à cause de cet investissement dans la recherche de la vérité que nous pouvons à notre tour nous mettre au travail dans la joie, pour mieux connaître la vie du Christ et de son église, et pour en témoigner autour de nous.

Bien entendu, saint Luc n’est pas un journaliste des temps modernes. C’est un historien de l’Antiquité, c’est-à-dire que son souci d’exactitude est tout entier au service du message qu’il veut faire passer qui est un message de foi en Jésus de Nazareth, né de la Vierge Marie par la puissance de l’Esprit-Saint, et Messie d’Israël revêtu de la même puissance divine, comme il le révèle ce matin à ses frères de la synagogue. C’est cette vérité fondamentale qui est exacte et historique, au-delà des divergences de surface qu’il peut y avoir ente les quatre évangiles du Nouveau Testament.

En tout cas, Frères et Sœurs, en ce dimanche matin, la première lecture et l’évangile nous disent que la joie du Seigneur est notre rempart chaque fois que nous sommes entourés d’anxiété ou même de destructions, mais que nous nous engageons à construire ou à reconstruire inlassablement une vie qui soit tournée vers un véritable enrichissement humain, c’est-à-dire un enrichissement du cœur et de l’esprit.

La joie du Seigneur est notre rempart, quand nous puisons dans les générations passées ce qui fait le meilleur de notre humanité, et que nous investissons nos capacités de recherche, de travail scientifique, technique et même politique dans tout ce qui peut rétablir le lien spirituel et immatériel qui nous unit les uns aux autres et à notre monde, lien spirituel et immatériel sans cesse blessé par la peur du manque et par les convoitises, mais lien spirituel et immatériel sans cesse réparé, consolé, guéri par la puissance de l’amour et le service des plus fragiles.

Et, à cet égard, la Bonne Nouvelle que le Christ nous apporte, c’est qu’il fait de nous son corps spirituel, ses membres, comme nous l’a dit la deuxième lecture tirée de saint Paul, c’est-à-dire que nous tous, avec nos richesses et nos pauvretés, nous pouvons faire ensemble quelque chose de magnifique pour le salut du monde, pour la régénération de notre humanité, pourvu que nous restions dans l’Esprit-Saint qui nous rattache les uns aux autres, l’Esprit-Saint qui nous rattache aussi à toute la création, laquelle, nous dit encore saint Paul, attend la manifestation de notre gloire.

Vous vous rappelez, Frères et Sœurs, les toutes premières paroles devenues célèbres du pape Jean-Paul II : « n’ayez pas peur ». Eh bien, ce matin, l’Esprit-Saint nous redit la même chose, dans une version résolument positive et constructive : « La Joie du Seigneur est votre rempart ».

Alors, que cette parole d’Écriture que nous venons d’entendre s’accomplisse pour nous aujourd’hui, dans notre assemblée, afin que nous puissions faire comme le Christ lui-même, en apportant à notre monde des paroles de grâce et de paix. Amen.

Père Patrick Faure

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