Les tentations du Christ

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Homélie prononcée le 1er mars 2020

Frères et sœurs,

Les 40 jours du carême nous sont donnés pour faire le point sur notre foi, sur notre relation à Dieu. Où en sommes-nous ? Croyons-nous oui ou non que notre bonheur le plus profond vient de Dieu, parce que c’est lui qui nous donnera la vie éternelle comme il l’a donnée à son Fils au matin de Pâques en le ressuscitant des morts ? Croyons-nous vraiment qu’à partir de la poussière de nos tombes et de nos corps disparus Dieu nous fera revivre après ce que nous aurons vécu ? Et croyons-nous que son Esprit-Saint de résurrection et de vie nous est donné dès ici-bas comme un avant-goût de notre éternité d’amour et de gloire, alors même que nous pouvons subir quelquefois la haine et le mépris ?

C’est sur ces questions-là, Frères et Sœurs, que portent les tentations du Christ en ce premier dimanche de Carême. C’est sur ces questions de foi fondamentale et de vie spirituelle que Jésus, dans son humanité, accepte d’être éprouvé pour nous, et non pas sur des questions de tentations morales par rapport à des choses plus ou moins mauvaises qui nous feraient envie et qui nous seraient défendues. Non, Frères et Sœurs, les tentations auxquelles Jésus se soumet par amour pour nous sont des tentations proprement spirituelles qui sont de l’ordre de notre vie éternelle ou de notre mort éternelle, et de l’ordre du sens ou de l’absurdité de notre existence terrestre.

Ces tentations spirituelles auxquelles nous sommes exposés, ce sont ces mouvements et ces décisions intérieures par lesquelles nous refusons de dépendre de Dieu, et par lesquelles nous estimons que nous pouvons nous passer de lui. C’est ce que la Bible appelle le péché : refuser de dépendre de Dieu pour notre vie éternelle et pour notre vie quotidienne, en croyant, peut-être en surface, que Dieu existe, mais en refusant, en profondeur, que Dieu soit nécessaire à notre accomplissement humain. Le péché c’est cet acte intérieur où l’on se dit à soi-même : « je n’ai pas besoin de Dieu pour être moi-même, je peux parfaitement m’accomplir et me réaliser sans lui ». Le péché, c’est mettre autre chose que Dieu à la place de Dieu. C’est ériger en absolu des personnes ou des choses auxquelles on voue un véritable culte, et c’est reléguer Dieu à deuxième place, ou à la troisième ou à la quatrième, ou à l’oubli. Et c’est en venir à se dire que dans tel et tel domaine de ma vie, ou sur tel et tel point, Dieu n’a rien à me dire, et que, au gré de mes désirs, je fais ce que je veux de mon argent, de mon corps et de mon pouvoir qui sont les trois domaines où le Christ est tenté, en ce premier dimanche de Carême.

C’est pour cela que le carême est ce temps de 40 jours pendant lequel nous prenons conscience de nos manières de vivre qui diminuent ou qui anesthésient notre combat intérieur et spirituel. Et c’est pour cela que le Carême est ce temps de 40 jours pendant lequel nous apprenons à résister dans notre cœur et dans notre tête à toutes sortes de tentations.

« Si tu es le fils de Dieu change ces pierres en pain ». C’est la tentation d’attribuer la production du pain, la production de nourriture à une puissance divine. C’est la tentation toute spirituelle de diviniser la production alimentaire et avec elle tout le pouvoir de l’économie et de l’argent qui, sous prétexte de faire vivre les hommes en leur fournissant toutes sortes de biens, les réduisent en fait à des êtres de besoins simplement matériels ou même culturels. Cela est vrai au niveau des grands ensemble nationaux ou internationaux. Mais cela commence dès les cercles plus restreints de nos vies familiales et sociales. Nourrir un enfant, c’est aussi lui parler de Dieu. Et cette nourriture est aussi vitale que les autres nourritures.

Jésus le Christ refuse de faire de l’économie et de l’argent une réalité toute puissante qui décidera de tout. Et il rappelle que ce pouvoir économique ne nourrira l’homme que s’il s’accompagne d’une parole qui ouvre à la transcende de Dieu. Et il répond au diable en citant la Bible : « l’homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». L’enseignement du Christ peut rendre alors à l’économie et à l’argent la dignité de participer à l’éducation des âmes. Et, à mon humble niveau, ce que je fais de mon argent peut alors participer à cette éducation.

Alors Satan dit à Jésus pour le faire entrer dans une seconde tentation : « Si tu es le fils de Dieu jette-toi du haut du Temple, car il est écrit que Dieu donnera ordre à ses anges de te porter sur leurs mains ». C’est la tentation du défi permanent et de l’insouciance où l’on fait ce que l’on veut de son corps parce qu’on se croit indestructible et comme divinement protégé. Aujourd’hui certains pourraient se croire divinement protégés par les moyens modernes de la médecine ou de l’industrie, et autorisés à penser que la science peut tout résoudre, même s’il faut en passer momentanément par des crises et des incertitudes face aux maladies et aux épidémies. Somme toute, la croissance et le progrès seront les anges qui permettront d’échapper à toutes les catastrophes. Le Christ dénonce cette assurance illusoire, et il rappelle que l’être humain est fragile et vulnérable. Et si lui, Jésus, est relevé par Dieu dans sa résurrection, ce n’est pas pour lui – comme un avantage individuel - mais c’est pour nous, afin que par son Esprit-Saint d’amour et de résurrection nous ayons le courage et l’énergie de nous battre dans nos épreuves, et surtout que nous puissions porter toutes nos souffrances en comprenant que notre salut n’est pas simplement physique et sanitaire, mais qu’il est avant tout de l’ordre de l’amour et de l’ouverture de cœur à toute l’humanité, que nous soyons malades ou que nous soyons en bonne santé. Jésus répond à Satan : « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu », c’est-à-dire que tu ne te présenteras pas devant Dieu dans une attitude de défi et de provocation en lui disant : « tant que tu ne m’auras pas donné tous les moyens d’être guéri et en bonne santé physique, je ne croirai pas en toi ». Demandons à Dieu pendant ce Carême la grâce de croire en lui quel que soit notre état, et, à cause de lui, de croire en nous et en ceux qui nous entourent.

Et, finalement, Satan vient tenter le Christ une troisième fois : « Si tu te prosternes devant moi, tu auras tous les royaumes du monde ». C’est la tentation du pouvoir politique sur les autres, pouvoir qui, à l’échelle de nos personnes est simplement proportionné à ceux dont nous avons la charge, mais pouvoir qui, à une plus grande échelle, peut aller jusqu’à rassembler dans la main d’un seul ou d’une petite élite un gouvernement mondial sur toute l’humanité. Jésus refuse et rejette cette tentation, lui qui pourtant sera le Christ Roi à qui tout pouvoir sera remis sur la terre comme au ciel. C’est que le pouvoir universel du Christ n’est pas l’exaltation du pouvoir humain. Non, le pouvoir du Christ est une puissance de vie, la puissance de l’Esprit-Saint qui a vaincu la mort et qui travaille de l’intérieur toutes les sphères humaines, politiques ou militaires ou autres, afin que les responsables de notre monde comprennent qu’on ne peut pas prétendre servir les droits de l’homme et de l’humanité si l’on méprise les droits de Dieu qui sont inscrits au cœur de l’homme.

Les trois tentations du Christ par rapport à la production du pain qui représente la puissance de l’économie et de l’argent, par rapport à la maîtrise du corps qui représente la puissance de la médecine et de la science, et par rapport au pouvoir politique représentant la puissance de l’homme sur ses semblables, sont exemplaires des tentations de notre monde. Mais il faut toujours entendre ce que St Paul écrit aux Corinthiens : Dieu ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces ; avec la tentation, il vous donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter (1Co 10,13). Ce moyen c’est le Christ, et cette force est celle de son Esprit-Saint. Et c’est ce que nous recevons de Dieu maintenant dans cette Eucharistie pour que notre carême soit un temps de conscience et d’approfondissement, un temps de bénédiction et de joie, un temps de partage et de témoignage. Amen.

Père Patrick Faure

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